Le Cercle "Travail en Transitions" a officiellement lancé ses travaux lors d’une soirée inaugurale d'échanges, le 5 février 2025, à l'Université Paris Dauphine-PSL.
Ce nouvel espace de réflexion et d’expérimentation dont Plein Sens est partenaire vise à accompagner les mutations du travail face aux transitions écologiques et numériques.
Ce partenariat s’inscrit pleinement dans la démarche de Plein Sens, notamment à travers l’animation d’un atelier de travail consacré à la décarbonation. Celui-ci visera à élaborer un guide de bonnes pratiques sur la manière de négocier en prenant en compte toutes les parties prenantes (dialogue social interne et externe) dès le début des projets de décarbonation, afin de garantir la soutenabilité sociale et d’éviter des blocages dans les négociations.
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Un espace de réflexion et d’expérimentation au service des mutations du travail
La transformation du monde du travail est en marche, portée par des mutations technologiques et environnementales jamais vues. Cette métamorphose de notre modèle de travail pose des défis nombreux pour que ces changements puissent être source d’opportunités plutôt que de fractures sociales. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le Cercle « Travail en Transitions ».
Sous la direction de Soazig Sarazain, CEO de VOXNEGO et directrice du Master Négociations et Relations Sociales (NRS) à l’Université Paris Dauphine-PSL, et d’Arnaud Mias, Sociologue et Professeur à l’Université Paris Dauphine-PSL, le Cercle repose sur un principe de collaboration active entre ses membres.
L’objectif : observer les transformations induites par l’intelligence artificielle (IA) et la transition écologique dans le milieu du travail, en s’appuyant sur des observations de terrain et des actions de recherche.
Dès l’ouverture de la soirée, Soazig Sarazain et Arnaud Mias ont insisté sur l’importance de construire un espace de dialogue et d’analyse partagé entre les différents acteurs du monde du travail : chercheurs, entreprises, représentants syndicaux et institutions publiques. « Loin d’être une fatalité, les transitions actuelles peuvent être un levier de progrès collectif si elles sont accompagnées avec intelligence et anticipation », a déclaré Arnaud Mias. Soazig Sarazain, de son côté, a rappelé que « le Cercle a vocation à devenir un lieu de production de connaissances, mais aussi un véritable laboratoire où des expérimentations concrètes pourront voir le jour ».
Des interventions engagées sur les transitions à l’œuvre
Après cette introduction, la soirée s’est articulée autour de deux interventions qui illustrent bien les enjeux que doit relever le Cercle.
Yann Ferguson, expert en sociologie du travail, s’est d’abord penché sur la transition numérique et l’impact de l’intelligence artificielle sur les entreprises et les conditions de travail. Il a relevé que 50% des salariés utilisent désormais des outils d’IA générative, souvent à l’insu de leurs employeurs. « L’explicabilité des décisions prises par l’IA reste un enjeu crucial », a-t-il souligné, mettant en garde contre une « boîte noire algorithmique » qui pourrait capter une partie du pouvoir d’agir des travailleurs.
Yann Ferguson a illustré son propos avec plusieurs études de cas, notamment dans les services financiers et les grandes entreprises industrielles, où l’IA s’intègre progressivement aux processus décisionnels. Il a mis en lumière un paradoxe : si l’IA permet une optimisation des tâches et une augmentation de la productivité, elle peut aussi générer une perte de sens et une déshumanisation du travail. « L’enjeu n’est pas d’empêcher l’usage de l’IA, mais de mieux le cadrer », a-t-il conclu, en appelant à des régulations adaptées et à une formation renforcée des travailleurs pour leur permettre de garder la maîtrise des outils qu’ils utilisent.
Il a également insisté sur l’importance du contrôle humain dans les processus automatisés, mettant en avant le risque de substitution de certaines compétences clés par des algorithmes opaques. « Il ne s’agit pas de laisser l’IA décider seule, mais de concevoir des systèmes où les travailleurs conservent leur capacité de jugement et d’intervention », a-t-il ajouté. Il a par ailleurs évoqué des initiatives dans certaines entreprises qui expérimentent des formes de cohabitation intelligente entre humain et IA, avec des retours d’expérience positifs sur l’amélioration des conditions de travail.
Camille Dupuy, sociologue, a ensuite abordé la transition écologique et son impact sur le travail. Elle a mis en lumière les dynamiques du dialogue social face aux enjeux environnementaux, soulignant la place encore marginale de cette thématique dans les négociations collectives, alors que seuls 1 à 2% des dirigeants considèrent les enjeux environnementaux comme prioritaires dans leurs objectifs. « La transition écologique est une préoccupation partagée, mais rarement prioritaire dans les entreprises », a-t-elle observé. Elle a détaillé les différents types de négociations observées en Europe et dans le monde, allant de la résistance au changement à des stratégies de transformation concertées. Camille Dupuy a insisté sur l’importance d’un dialogue social inclusif, qui ne se limite pas aux seules directions d’entreprises et organisations syndicales, mais qui intègre également des acteurs environnementaux et institutionnels.
Elle a également souligné l’importance de la formation des travailleurs pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles exigences environnementales, citant des exemples concrets d’entreprises ayant mis en place des dispositifs d’accompagnement efficaces. Un dialogue social structuré et une planification anticipée des mutations écologiques sont essentiels pour garantir une transition juste. « L’intégration de la transition écologique dans le dialogue social doit passer par des accords de branche et des engagements sectoriels ambitieux », a-t-elle conclu.
Collaboration et zones d’expérimentation
La soirée a également été l’occasion de présenter les collaborations et les zones d’expérimentation que le Cercle mettra en place.
Deux thématiques majeures ont donc été retenues pour structurer les premiers ateliers de travail :
- La décarbonation et son impact sur l’organisation du travail : comment accompagner les transformations sociales qu’elle implique ?
- L’outillage des négociations face à l’IA : comment ces technologies peuvent-elles transformer les rapports sociaux et la gestion des accords collectifs ?
Le Cercle souhaite, en effet, devenir un centre de ressources de référence sur les mutations du travail face aux grandes transitions en cours. Il produira des notes de synthèse et des rapports, en s’appuyant sur les travaux de ses membres et les retours d’expérience d’acteurs engagés. « Notre objectif est d’offrir un espace de délibération où se croisent savoirs scientifiques et savoirs d’expérience », a souligné Arnaud Mias.
La soirée s’est conclue sur un moment d’échanges informels, permettant aux participants de s’inscrire aux ateliers et d’identifier des pistes de collaboration. Une initiative prometteuse que Plein Sens a le plaisir de soutenir et qui marque le début d’une dynamique ambitieuse pour accompagner les transformations du travail de demain.