À l’occasion de la Semaine de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) 2024, centrée sur le thème « Anticiper le travail de demain », Plein Sens a interviewé son président, Etienne Forcioli Conti, pour explorer sa vision du dialogue social par anticipation. Voici un aperçu de ses idées et réflexions sur l’importance du dialogue au sein de l’entreprise et son rôle déterminant dans une prise en compte réelle de la qualité de vie au travail, en vue de proposer de nouveaux modes de dialogue social.
Quelle est votre vision de la QVCT ?
La QVCT s’est imposée dans les organisations par deux impulsions principales qui, bien qu’importantes, peuvent être perçues comme une approche relativement défensive. En grossissant le trait, celle-ci pourrait prendre la forme d’un « well-being washing » ou, à tout le moins, d’une simple conformité aux obligations légales de l’employeur :
- La prise en compte de la santé au travail: Ce concept a culminé au milieu et à la fin des années 2000 par l’application des mesures des plans santé au travail, les accords nationaux interprofessionnels, l’émergence des RPS (risques psychosociaux) et plus globalement à travers l’impératif de la prévention de ces derniers. En effet, rappelons que l’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail). L’idée était donc que pour éviter les risques psychosociaux, il fallait que les gens se sentent bien au travail, d’où l’accent mis sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et, plus globalement, sur l’essor de la QVCT.
- L’attractivité : Par ailleurs, et cela est particulier sensible depuis la fin de la crise covid, il est essentiel d’avoir une politique de marque employeur très performante pour faire face aux pénuries de main d’œuvre. La QVCT devient, dès lors, un élément essentiel pour répondre aux attentes des futurs embauchés.
Chez Plein Sens, nous défendons ces deux dynamiques car elles sont sources de progrès et d’un travail plus épanouissant et émancipateur.
Par ailleurs, un troisième argument souvent avancé est que la performance économique va de pair avec la performance sociale. C’est probablement vrai mais cela peut être contesté : certains régimes politiques ne manquent pas pour attester qu’une bonne performance économique peut exister sans performance sociale.
En revanche, ce qui est certain, et c’est la conviction qui est la mienne, c’est que le succès des projets de transformation technologique ou environnementale nécessite de considérer le facteur humain comme le premier facteur de réussite. C’est notamment pour atteindre cet objectif que nous avons développé chez Plein Sens, parmi plusieurs dispositifs, des techniques innovantes de dialogue social, comme, le dialogue social par anticipation, par exemple.
Qu’est-ce que le dialogue social par anticipation ?
Le dialogue social par anticipation consiste à discuter avec les représentants du personnel (principalement les délégués syndicaux) de tous les impacts des projets de transition et, en particulier, de l’importance de la prise en compte de la QVCT dans ces derniers. C’est, en effet, sur cette base que pourraient être conçus des accords de QVCT adaptés à la transition.
Le dialogue social par anticipation peut donc se définir comme une démarche proactive de concertation et de discussion entre les employeurs, les salariés et leurs représentants, visant à identifier et à préparer les évolutions à venir dans le monde du travail. Contrairement aux approches réactives qui interviennent après que les changements ont eu lieu, le dialogue social par anticipation cherche à prévoir les transformations futures, qu’elles soient technologiques, organisationnelles ou sociales, et à y répondre de manière concertée et planifiée, en proposant de meilleures conditions de travail.
Chez Plein Sens, nous appliquons cette méthode dans tous les secteurs.
Concrètement, pouvez-vous nous donner un exemple ?
Prenons l’exemple d’un pacte d’avenir réalisé pour sauvegarder une activité industrielle. Le projet visait à moderniser les installations et augmenter la performance globale. Un dialogue social par anticipation a alors été instauré bien avant la mise en œuvre des changements. Les dirigeants de l’entreprise ont engagé des discussions ouvertes et transparentes avec les représentants du personnel et les délégués syndicaux.
Lors de ces discussions, plusieurs scénarios ont été présentés, incluant des modifications des procédés, des agrandissements de l’usine, et des changements dans l’organisation du travail. Ces échanges ont ainsi permis d’identifier les préoccupations et les attentes des salariés et d’intégrer leurs retours. Une des décisions majeures a été un investissement massif en QVCT de plusieurs millions d’euros.
Quelles sont les conditions de réussite d’un dialogue social par anticipation servant les objectifs de QVCT ?
J’en vois trois principales :
- Le partage transparent des scénarios avant toute décision: Il est essentiel d’anticiper et de discuter des hypothèses de travail avant la négociation finale.
- La confiance mutuelle: La confiance ne se décrète pas, elle se construit. La transparence, la confidentialité des échanges et l’acceptation de l’incertitude sont cruciales.
- L’innovation: Imaginer la QVCT pour demain nécessite de l’innovation. Plutôt que d’utiliser des solutions préexistantes, il s’agit de concevoir de nouvelles formules adaptées aux transformations en cours.
En conclusion, l’avenir du travail doit être anticipé et mis en dialogue dès aujourd’hui. En effet, la mise en discussion de l’avenir des organisations grâce à un dialogue social innovant et inclusif peut permettre de répondre à la promesse d’une meilleure qualité de vie au travail et, ce faisant, mener à la réussite des transformations économiques et organisationnelles.