Huit ans après les Ordonnances Travail, le modèle du CSE est désormais installé. L’instance unique concentre le dialogue social, avec des heures de délégation redistribuées, une polyvalence accrue des élus, une articulation parfois complexe avec les commissions et, selon les accords, une présence variable des représentants de proximité. Ces transformations ont profondément modifié le fonctionnement du dialogue social, parfois au détriment de la lisibilité des rôles ou de la continuité des échanges. Sur le terrain, Plein Sens observe des pratiques qui s’affirment et se professionnalisent, mais aussi des tensions persistantes : des réunions préparées de manière inégale, des suppléants peu mobilisés, des circuits d’information perfectibles, une articulation encore fragile entre CSE, commissions et terrain. Le renouvellement à venir est l’occasion de faire le point, de clarifier les règles du jeu et d’élever collectivement le niveau d’efficacité et de qualité du dialogue.
Pourquoi un bilan maintenant ?
Agir dès maintenant, c’est capitaliser sur l’expérience acquise. La période du COVID a déjà mis l’instance à l’épreuve, révélant ses forces, ses fragilités et la capacité des collectifs à se mobiliser dans des contextes contraints. C’est aussi le moment de sécuriser la prochaine mandature : préparer les équipes, accompagner les transitions, garantir la continuité du dialogue tout en favorisant le renouvellement des profils et des pratiques. C’est enfin l’occasion de professionnaliser le dialogue social en veillant à l’équilibre entre le respect des prérogatives syndicales et la recherche d’efficacité, et de renforcer l’attractivité des mandats en accompagnant les parcours des élus, entrants comme sortants.
Un bilan centré sur le « travail réel » du CSE
Le bilan du CSE doit aller au-delà des chiffres. Il s’agit d’interroger la façon dont le travail d’élu se fait réellement : comment les réunions se préparent, si les informations arrivent à temps, dans quelles conditions les élus ont pu exercer leur mandat de manière satisfaisante, ou encore ce qui a pu freiner leur action – manque de clarté, surcharge, difficultés à participer pleinement aux débats. Cette analyse qualitative du « travail réel » permet de mieux comprendre les points d’appui et les zones de tension du dialogue social. Pour être utile, elle doit être conduite dans un cadre partagé, clair et respectueux : un cadrage par le secrétaire ou la présidence du CSE, des entretiens ciblés avec les élus, présidents de commissions, représentants de proximité et direction, puis des temps d’échanges collectifs pour objectiver les constats et définir des priorités d’action. Lorsque cela est possible, la co-conduite de cette démarche avec la direction garantit une vision complète du fonctionnement du CSE. À défaut, un travail inter-syndical constitue déjà un levier fort de cohésion et de préparation.
Formaliser un projet de CSE pour la prochaine mandature
Sur la base de ce diagnostic, il devient pertinent d’élaborer un véritable projet de CSE. Penser le CSE comme une composante à part entière de l’entreprise, dotée de missions, de ressources et d’objectifs propres, permet d’envisager un fonctionnement plus structuré et plus lisible. Ce projet ne vise pas à normer les orientations syndicales, mais à organiser concrètement le travail des élus : la répartition des rôles, les modalités de préparation et de suivi des réunions, les articulations entre commissions, les circuits d’information, ou encore la planification des grands temps de dialogue social. Dans cette logique, la montée en compétences symétrique – élus et encadrants – devient essentielle pour garantir des échanges de qualité, fondés sur des bases partagées. Le projet de CSE devient alors un outil d’efficacité collective, une référence commune pour les futurs élus et un support utile au dialogue avec la direction sur les moyens et les priorités.
Anticiper la fin de mandat : prévention des risques et attractivité
L’approche du renouvellement du CSE amène également à se pencher sur la situation des élus qui ne se représenteront pas. Pour certains, le mandat aura été une parenthèse dans leur parcours ; pour d’autres, une véritable expérience professionnelle, riche en compétences transférables. La question du retour au poste ou de la transition vers d’autres fonctions est cruciale. Depuis 2018, la valorisation des compétences acquises pendant un mandat est inscrite dans la loi, mais elle reste souvent théorique. La fonction RH a ici un rôle clé à jouer : anticiper la fin de mandat, identifier et reconnaître les compétences développées, prévoir des formations de réadaptation ou de repositionnement, accompagner les trajectoires professionnelles pendant et après le mandat. C’est un travail de fond, à la fois préventif et stratégique, qui contribue à modifier les représentations du mandat d’élu, trop souvent perçu comme un frein de carrière. Valoriser ces parcours, c’est rendre le mandat plus attractif et redonner du souffle à l’engagement syndical.
À retenir
- Le renouvellement du CSE est un moment de gestion : il s’agit d’objectiver, d’ajuster et de projeter, pas seulement d’organiser un scrutin.
- Un bilan du travail réel du CSE éclaire les vrais leviers d’efficacité et de qualité du dialogue social.
· Un projet de CSE lisible sécurise l’exercice du mandat et facilite l’engagement de nouveaux élus.