Dans un contexte marqué par des transitions liées à des mutations économiques, technologiques ou environnementales, la mise en place d’un accord de Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) s’impose comme un levier à mieux exploiter pour les entreprises. Plus qu’une obligation légale, cette négociation triennale constitue l’opportunité pour l’entreprise d’améliorer ou d’actualiser le pilotage stratégique et opérationnel des emplois et des compétences.
Le champ des thématiques à couvrir, défini par le Code du Travail, est très vaste. Il compte à la fois des thèmes obligatoires (la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en tant que telle, la formation, l’accompagnement des mobilités notamment) et des thèmes facultatifs, tels que la formation et l’insertion des jeunes, ou bien encore l’emploi des seniors et les fins de carrière (qui devront désormais faire l’objet d’une négociation dédiée).
Dès ses origines dans les années 1990 — on parlait alors de GPEC — cette démarche est conçue pour accompagner les mutations économiques en anticipant l’évolution des compétences et en évitant des ajustements brutaux des effectifs.
La GEPP oscille ainsi entre deux logiques. Défensive lorsqu’elle prépare mobilités externes en période de restructurations, offensive lorsqu’elle prépare les salariés aux transformations profondes des métiers. Automatisation, intelligence artificielle, transitions environnementales : les facteurs de bouleversements ne manquent pas aujourd’hui, qui redéfinissent les compétences et obligent les entreprises à se réinventer.
Dans tous les cas, la GEPP reste l’expression d’une responsabilité majeure des entreprises : maintenir l’employabilité tout en pilotant la transformation des organisations.
Anticiper pour mieux transformer
Au cœur de la démarche, la cartographie des emplois permet d’identifier métiers appelés à disparaître, métiers en transformation, métiers en tension et métiers sensibles. À partir de là, l’accord se déploie comme une véritable boîte à outils : formation renforcée pour certains profils, accompagnement externe pour d’autres, partenariats éducatifs pour attirer des compétences rares. Loin d’un simple exercice RH formel, la GEPP peut se révéler être un outil puissant prospective métier à horizon 3-5 ans, offrant ainsi aux dirigeants comme aux salariés une lecture des évolutions des métiers et des besoins futurs.
Le rôle clé des managers
« Nous avons découvert à quel point l’exercice de prospective pouvait libérer la parole des managers. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils posaient noir sur blanc leurs besoins de compétences à trois ans », témoigne une DRH d’un groupe industriel.
La GEPP ne peut produire d’effets concrets que si elle est portée au plus près du terrain. Les managers jouent ici un rôle décisif : ils sont les premiers à percevoir les évolutions des métiers et à identifier les besoins de compétences. Des ateliers prospectifs leur permettent de formuler ces attentes et de co-construire la trajectoire des équipes.
« Le vrai challenge, c’est de ne pas en faire qu’un outil RH, mais un outil qui donne les moyens aux managers pour accompagner les salariés dans le développement de leurs compétences et offrir des perspectives de carrière à leurs équipes. », souligne Aurélie Ghemouri Krief, Associée de Plein Sens.
Cette implication managériale évite que la GEPP reste un dispositif abstrait ou trop technique. Comme le rappelle Olivier Mériaux, Directeur des études et des synthèses de Plein Sens : « Souvent, derrière l’idée que chaque salarié doit être acteur de son parcours, il y a une ambiguïté. Sans un accompagnement proactif de la part des managers et des RH de proximité, on crée des inégalités d’accès massives à la formation. »
Un outil de dialogue et de responsabilité sociale
La réussite d’une GEPP repose aussi sur son appropriation collective. Les observatoires de l’emploi, réunissant directions et partenaires sociaux, permettent d’impliquer l’ensemble des parties prenantes dans l’identification des grandes évolutions qui auront un impact sur l’emploi et les métiers et adapter au plus près des besoins les outils à mobiliser pour accompagner les salariés.
Transmission des savoirs en fin de carrière, valorisation des expertises de terrain ou développement de réseaux de formateurs renforcent la continuité des activités et redonnent du sens aux parcours professionnels. Comme le résume la DRH d’un groupe de services : « Une GEPP n’est pas qu’un outil RH, c’est une manière de dire à nos collaborateurs que nous ne subissons pas les transformations mais que nous les préparons avec eux. »
Car la GEPP ne saurait se réduire à un catalogue technique. Elle est l’expression d’une stratégie RH durable, un levier de performance autant que de responsabilité, et un signe tangible de la capacité des organisations à conjuguer anticipation, adaptation et attention portée à leurs salariés.